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Call for Papers (in French)

Appel à contribution

La brume et le brouillard dans la littérature et les arts.

Une esthétique de l’indistinction

dir. Karin Becker et Olivier Leplatre

Météores plutôt quotidiens et peu spectaculaires, la brume et le brouillard exercent néanmoins une fascination toute particulière sur les écrivains et les artistes des différentes cultures et des différentes époques. Selon Oscar Wilde, ce serait même grâce aux peintres et poètes que nous aurions appris à saisir le charme mystérieux de ces amas de petites gouttes suspendues dans l’atmosphère, que l’ancienne « science des météores » définit comme des « vapeurs » ou « exhalaisons ». Il s’agit en fait d’un grand nuage très bas, d’un stratus qui touche la terre, pour lequel les météorologues modernes différencient plusieurs catégories (brouillard d’évaporation, de rayonnement, d’advection, de détente … ; selon Louis Dufour, 1978, le brouillard de rayonnement au sol serait le plus évoqué par les écrivains). En principe, la brume, plutôt « légère », et le brouillard, plus « épais », sont aujourd’hui surtout distingués par le degré de la visibilité qu’ils permettent (+/– un kilomètre), donc à l’aide d’un critère qui tient compte de leur influence sur les activités humaines. Et c’est exactement cette influence sur l’homme que la littérature et les arts placent au centre de l’intérêt : romans et poésies, tableaux, photographies et films évoquent surtout leur effet sur l’homme, sur ses entreprises diverses, sur son bien-être physique et sur son état d’âme.

 

Quant aux conséquences pratiques, le brouillard constitue souvent, pour un voyageur par exemple, un obstacle, un danger, voire un piège à cause de la perte des repères qu’il provoque (temps et espace), car il métamorphose le paysage en labyrinthe aux contours incertains et résistant à l’acuité du regard. Pour ce qui est des lieux (souvent « nordiques »), le risque de s’égarer en raison du brouillard concerne surtout les régions autour des lacs, étangs et rivières, mais aussi la montagne, la mer et même la ville. Quant à l’ancrage temporel, les périodes caractéristiques sont les moments de transition, l’aube et le crépuscule, notamment en automne, saison de l’entre-deux, surtout le mois de novembre, où le temps semble justement « suspendu ». Facteur de périls multiples, le brouillard paraît comme « trompeur » ou « traître », car il dissimule le monde, crée un mur ou une barrière, souvent en véritable antagoniste. La couche épaisse qui voile ou obscurcit la réalité, suscite donc, chez l’individu pris dans cette masse impénétrable, des sentiments d’angoisse, renforcés par l’humidité, le froid et parfois des odeurs qui évoquent la mort, de sorte que la nappe nébuleuse est souvent associé à un linceul. Vu de l’extérieur ou d’en haut, dans un « panorama » ou un « tableau », donc sans danger immédiat, cette couche peut paraître comme un « plafond » ou un « couvercle » qui devient le symbole d’un état d’âme mélancolique, d’une sensation d’étouffement ou d’oppression.

 

Mais cette transformation de la topographie réelle a aussi des répercussions positives sur l’être humain, qui se situent à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le brouillard peut être ressenti comme un « cocon protecteur » qui suggère la douceur, le silence, le repos, la paix et l’harmonie (Lionnette Arnodin-Chegaray, 2009). Dans ce cas-là, la description emploie souvent des métaphores textiles (ouate, coton, mousseline), et les qualifications péjoratives (obscur, lugubre, grisâtre, blafard, blême, livide) font place à des évocations euphoriques qui insistent sur la beauté et sur une luminosité aveuglante proche du sacré semblant révéler une réalité supérieure. En outre, l’enchantement peut s’expliquer par le fait que l’absence de contours et le manque de transparence favorisent l’imagination : surgit donc devant les yeux de l’observateur un monde mystérieux, onirique, animé de fantômes, d’énigmes, de figures étranges. Ainsi, le brouillard représente finalement un écran qui se prête à toute forme de projections, et le brouillage de repères rejette l’individu dans un état originel, chaotique, dans une « vaporisation du Moi » (Baudelaire), où les limites de sa propre identité commencent à chanceler (Arden Reed, 1983) et où toute réalité n’est que chimère, illusion, vanité, néant.

 

Aux yeux des écrivains et des artistes, la brume et le brouillard sont donc des météores bien ambivalents, néfastes ou bénéfiques, dangereux ou protecteurs, d’où résultent leurs innombrables fonctions, narratives, métaphoriques etc. Leur caractère informe, diffus, flou, indécis permet de multiples interprétations, et c’est justement cet aspect-là qui fonde, dans les œuvres littéraires et artistiques, une esthétique de l’indistinction, dans laquelle le brouillard devient un « symbole de l’indéterminé » (Chevalier/ Gheerbrant, 1982) et qui peut confiner à une véritable « crise de la représentation » (Carine Vignes, 2005). Finalement, l’écriture elle-même peut se faire l’expression de l’instable, de l’incertitude, par la dissolution de la syntaxe, par un style « en grisaille », par l’indistinction sur le plan du vers, qui « troublent notre lecture » (Guillaume Gomot sur Verlaine, 2012), qui cachent et révèlent, voilent et dévoilent le sens d’une œuvre, tout comme les techniques picturales, photographiques ou cinématographiques créent des effets de confusion chez le spectateur et l’amènent à se confronter à l’opacité du visible.

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L’ouvrage paraîtra en France, la langue de la publication est le français. Les contributions ne devront pas dépasser 20 pages (10000 mots, y compris notes, annexes etc.). Les manuscrits sont à soumettre en Word 2003 ou 2006 (Windows XP). Une iconographie est prévue. Nos propres contributions porteront sur Maupassant et sur Fog de John Carpenter.

Date limite pour la soumission d’une proposition : 1er novembre 2012

Date limite pour l’envoi des articles : 1er août 2013

Prière de transmettre toute proposition de contribution, y compris un résumé de 10 lignes et une brève notice biographique aux adresses suivantes :

ilwbecke@ilw.uni-stuttgart.de, olivierleplatre@hotmail.com

 

Sites des directeurs de projet :

http://www.uni-muenster.de/Romanistik/Organisation/Lehrende/Becker/index.html

http://facdeslettres.univ-lyon3.fr/liens-directs/annuaire/m-leplatre-olivier-97889.kjsp?STNAV=31&RH=ZYZYZYZYZYZYZYZYZYZYZY